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Carve-out : comment réussir l’aspect social du transfert d’une division ?

10 Jan 2023 | Articles de presse, Le point de vue des experts

Anticipation, dialogue, intéressement, des notions clé à aborder en amont pour réussir ce transfert juridique. Explications, sur ce troisième volet spécial Carve-out.

Episode 3 de la série de quatre articles sur ce thème, rédigée par Bertrand Thibaut, Counsel Droit social – Scotto Partners.

Crise politique, crise de l’énergie, des matières premières, les acteurs industriels font aujourd’hui face à des bouleversements globaux qui imposent une agilité et une capacité d’adaptation sans précédent. Dans ce cadre, les réflexions sur le carve out (détourage) d’activités plus ou moins stratégiques ou plus ou moins rentables sont devenues incontournables.Qu’il s’agisse d’une activité en bonne santé ou en difficulté, les carve out sont des opérations complexes qui combinent des enjeux multiples et pluridisciplinaires sur les plans juridiques, financiers et opérationnels qui doivent impérativement être anticipés.Outre les enjeux de structuration, l’opération de carve out – par la séparation qu’elle induit – emporte des considérations sociales qui doivent là-encore être adressées le plus en amont possible.

Des enjeux sociaux différents selon la structuration juridique du carve out

Selon les modalités juridiques retenues (cession de titres « asset deal » /cessions d’actifs « share deal ») pour réaliser le carve out, les enjeux sociaux seront éminemment différents.Dans l’hypothèse d’un asset deal, l’un des enjeux les plus complexes vise le transfert des contrats de travail : pour entrainer un transfert automatique des contrats de travail attachés à l’activité cédée, celle-ci devra impérativement répondre à des critères précis de nature à caractériser l’existence d’une entité économique autonome (définie par la jurisprudence comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre).A défaut, il conviendra de recueillir le consentement de chaque salarié que l’on souhaite transférer avec l’activité, ce qui, à bien des égards, posera difficulté. La détermination de la cartographie des salariés attachés à l’activité dont le carve-out est envisagé soulève en tant que telle de nombreuses problématiques (sort des fonctions supports, sort des salariés partageant leur temps de travail sur l’activité cédée et sur une activité conservée, etc.) qu’il convient d’adresser très précocement.Au surplus se pose la question de l’intégration au sein du nouvel employeur avec des problématiques d’harmonisation complexe qui doivent être menées dans un délai contraint de 15 mois suivant le transfert – en pratique la date de closing (le législateur ouvrant néanmoins la possibilité d’anticiper ces négociations avant le closing de l’opération).Dans l’hypothèse d’un share deal, s’agissant d’une opération capitalistique, il n’y a pas de changement d’employeur pour les salariés et pas de transfert à organiser. Pour autant, de nombreux autres sujets tout aussi complexes sont à considérer dans le cadre d’une cession de titres, notamment la perte d’avantage groupe et le transfert du management qui serait logé dans une société holding n’entrant pas dans le périmètre cédé et pour qui le projet n’est pas toujours reçu comme attractif.

Le dialogue social au cœur d’un carve out réussi

Dans chacune de ces situations, les enjeux sociaux seront d’autant plus importants que l’opération de carve-out devra nécessairement faire l’objet d’une procédure d’information et de consultation préalable des représentants du personnel (Comité social et économique) lorsqu’ils existent. Cette problématique devra parfois être coordonnée avec les propres contraintes du cessionnaire lorsque celui-ci est un industriel doté de sa propre représentation du personnel.Cette dimension sera encore plus centrale et stratégique s’agissant du carve-out d’une activité en difficulté où l’enjeu sera de faire adhérer autant que possible les salariés, les organisations syndicales et les représentants du personnel au repreneur choisi et à son projet, lequel impliquera – souvent – la mise en œuvre de réorganisations affectant le niveau d’emploi.Il s’agit alors non seulement de permettre à court-terme la finalisation de l’opération avec le repreneur mais aussi d’éviter à moyen/long-terme une mise en jeu de la responsabilité du cédant en cas de défaut du repreneur. Dans ce contexte, le financement de mesures sociales par le versement d’un prix négatif ou la prise d’engagement de maintien de l’emploi est de plus en plus incontournable.

L’anticipation et l’intéressement du management : clefs du succès de l’opération

Les personnes salariées rattachées à l’activité objet du carve-out – que celle-ci soit cédée par voie de cession de titre ou d’actifs – sont essentielles au succès du détourage. En pratique, l’opération de carve-out est souvent source d’inquiétude pour les salariés concernés en ce qu’elle impose un changement de paradigme, à savoir la sortie du giron d’un groupe ou d’une société offrant une certaine sécurité et des avantages connus.Partant, l’association, la sécurisation et la fidélisation des équipes de management en charge de la conduite d’une opération de carve out est cruciale.Cette dimension sera d’autant plus stratégique s’agissant d’un carve out portant sur une activité rentable où les managers n’ont pas démérité dans leur performance passée. Il conviendra alors de pouvoir aborder en amont les modalités d’une association à la performance future via notamment la mise en place d’incentives spécifiques (management package, transaction bonus, retention bonus) afin de s’assurer de leur adhésion au projet.

Bertrand Thibaut

Bertrand Thibaut

Counsel Droit social

Scotto Partners

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