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Carve out : une opération complexe aux enjeux multiples

22 Déc 2021 | Articles de presse, Le point de vue des experts

Outre les enjeux de structuration, les considérations humaines et managériales doivent être adressées le plus en amont possible.

Liés ou non à la crise sanitaire, les acteurs industriels font aujourd’hui face à des bouleversements globaux qui posent une agilité et une capacité d’adaptation sans précédent. Dans ce cadre, les réflexions sur le carve out (détourage) d’activités plus ou moins stratégiques, ou plus ou moins rentables, sont devenues incontournables.

Engie avec la cession en cours d’Equans à Bouygues, Sanofi avec la préparation de l’IPO de son activité principes actifs (Euroapi) début 2022, sont des exemples de carve out d’activités performantes. A l’inverse, la cession par Saint-Gobain de Lapeyre intervenue sous l’égide du Tribunal de commerce dans le cadre d’un mandat ad hoc, est le cas d’école du carve out d’une activité en difficulté. Qu’il s’agisse d’une activité en bonne santé ou en difficulté, les carve out sont des opérations complexes qui combinent des enjeux multiples et pluridisciplinaires sur les plans juridique, financier et opérationnel qui doivent impérativement être anticipés. Outre ces enjeux de structuration, l’opération de carve out – par la séparation qu’elle induit – emporte des considérations humaines et managériales qui doivent là encore être adressées le plus en amont possible.

Une structuration juridique complexe

Cessions de titres (« share deal »), cession d’actifs (« asset deal ») / cession de fonds de commerce, les modalités juridiques sont multiples et emportent par ailleurs des spécificités sociales et fiscales qui s’adapteront plus ou moins bien aux contraintes d’une opération donnée. Dans l’hypothèse d’un carve out relatif à une activité en difficulté, au-delà du choix du repreneur en tant que tel, la structuration juridique de l’opération sera essentielle afin de maitriser l’exposition de la responsabilité du cédant face à une éventuelle défaillance du repreneur postérieurement à la cession. En parallèle, la négociation des accords qui assureront la poursuite de l’activité (transition services agreement – TSA), sera essentielle. De manière concrète, il s’agit de permettre à l’activité, objet du carve out, de continuer à bénéficier de certains services pendant une durée déterminée postérieurement à l’opération (IT, ressources humaines, finances, etc.) Le sort des salariés attachés à l’activité transférée se trouve également sur le chemin critique de la réussite d’une opération de carve-out.

Des enjeux sociaux incontournables

En effet, selon les modalités juridiques retenues (asset deal / share deal) pour mener à bien le carve out, il y aura ou non changement d’employeur. Dans l’hypothèse d’un asset deal, pour entrainer un transfert automatique des contrats de travail attachés à l’activité cédée, celle-ci devra impérativement répondre à des critères précis de nature à caractériser l’existence d’une entité économique autonome. A défaut, il conviendra de recueillir le consentement de chaque salarié que l’on souhaite transférer avec l’activité, ce qui, à bien des égards, posera difficulté. La détermination de la cartographie des salariés attachés à l’activité dont le carve out est envisagé soulève en tant que telle de nombreuses problématiques (sort des fonctions supports, sort des salariés partageant leur temps de travail sur l’activité cédée et sur une activité conservée, etc.) qu’il convient d’adresser très précocement. Les enjeux sociaux seront d’autant plus importants que l’opération de carve out devra nécessairement faire l’objet d’une procédure d’information et de consultation préalable des représentants du personnel (Comité social et économique). Cette dimension sera encore plus centrale et stratégique s’agissant du carve out d’une activité en difficulté où l’enjeu sera de faire adhérer autant que possible les salariés, les organisations syndicales et les représentants du personnel au repreneur choisi et à son projet, lequel impliquera (souvent) la mise en œuvre de réorganisations affectant le niveau d’emploi. Il s’agit tant de permettre à court-terme la finalisation de l’opération avec le repreneur que d’éviter à moyen/long-terme une mise en jeu de la responsabilité du cédant en cas de défaut du repreneur. Dans ce contexte, le financement de mesures sociales par le versement d’un prix négatif est de plus en plus incontournable.

Le management : clef du succès de l’opération

Le changement de paradigme qu’entraîne la sortie du giron d’un groupe ou d’une société offrant une certaine sécurité et des avantages connus (accords collectifs, LTIP, actions de performance, etc.) est souvent source d’inquiétude. Partant, l’association, la sécurisation et la fidélisation des équipes de management en charge de la conduite d’une opération de carve out est cruciale. Cette dimension sera d’autant plus stratégique s’agissant d’un carve out portant sur une activité rentable où les managers n’ont pas démérité dans leur performance passée et où leur présence est clé pour la gestion et le développement du périmètre cédé. La motivation et fidélisation du management passe par une bonne information en amont et la mise en place le cas échéant d’un incentive, que ce soit dans le cadre de la vente afin d’aligner les intérêts du management avec son actionnaire cédant, ou dans le cadre de l’acquisition afin de s’assurer de leur adhésion au nouveau projet.

Coralie Oger

Coralie Oger

Associée M&A

Scotto Partners

Bertrand Thibaut

Bertrand Thibaut

Counsel Droit Social

Scotto Partners

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